Mesdames, Mesdemoiselles* et Messieurs les Échevines et Échevins bruxellois,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les Bourgmestres
bruxellois,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les Députées et Députés bruxellois,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les Ministres bruxellois,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les Députées et Députés bruxellois,
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs les Ministres bruxellois,
En féministes, nous fûmes enthousiasmées par la célérité
des réactions qui suivirent la diffusion du documentaire « Femmes de la rue »
réalisé par Sophie Peeters, étudiante en
dernière année de la Haute École flamande Rits (http://www.youtube.com/watch?v=YVXc2o5shto).
En effet, il ne s’en est pas fallu de quelques heures pour
que les un-e-s et les autres d’entre vous condamnent fermement insultes et
« harcèlements de rue » que subiraient les femmes dans le quartier
bruxellois d’ Anneessens. Et que vous vous engagiez dans des projets de
discussion parlementaire, de législation sur le sujet, ou encore dans des
actions sur le terrain.
C'était d’autant plus enthousiasmant pour nous que,
concernant le sort des femmes,
depuis quelques années, nous
n'entendions de votre part que de tristes nouvelles : par exemple, celle
nous faisant comprendre qu'elles seraient les premières à être sacrifiées sur
l’autel de l’austérité.
Ainsi, leur seul horizon était donc de subir la réduction
de moitié des allocations de chômage pour les co-habitantes (une chômeuse sur
deux est co-habitante), d'accepter les
complications à l'accès à la pension (pour cause de non assimilation des
périodes consacrées aux tâches traditionnellement accordées au femmes), de se
réjouir du fait que leur salaire est de
23% (en moyenne) inférieur à celui des hommes pour la même fonction, etc.
Nous commencions à songer, pour vous réveiller, vous, élus
du Peuple, à une grève générale d'un genre nouveau ; elle serait
féministe ! Le Peuple n'est-il pas majoritairement féminin ?
Mais heureusement, le salut vint par le travail de fin d'année
d'une jeune et naïve néerlandophone. Le
martyre qu'a connu Sophie Peeters, cette jeune étudiante louvaniste, brillamment
mis en scène par elle-même, a permis ce miracle : celui de vous mobiliser en quelques heures,
ce que nous n'étions pas parvenus à faire en quelques années. Nous rappelant cette vérité simple, on se
soucie plus volontiers du sort des « femmes blanches »
égarées dans les contrées lointaines et sauvages d'Anneessens, où règnent en
maître le chômage, le décrochage scolaire et la discrimination. Surtout quand
les coupables sont des « maghrébins à
95% » (sic), à l'évidence « inintégrés » et peut-être
même intégristes.
Cet oubli opportun, c'était également le « point
aveugle » du documentaire de la jeune réalisatrice, Mademoiselle Peeters
n’a effectivement pas jugé utile de s’intéresser à la vie des femmes de ces
quartiers-là...
Sait-elle que les « femmes actives » de ce quartier sont,
tenez-vous bien, à près de 60% chômeuses ?
Sait-elle que pour vivre, et faire vivre les leurs, elles
doivent essuyer quotidiennement la pression et les discriminations sociales
(institutionnelles et structurelles)?
Sait-elle la part de rejet, de stigmatisation et
d’humiliation que subissent celles qui essayent de faire des études pour sortir
du chaos, celles qui tentent de décrocher un emploi pour prétendre à
l’émancipation financière, celles qui cherchent à inscrire leurs enfants dans
des écoles correctes, celles qui se mobilisent pour avoir accès à leurs droits
fondamentaux ?
Sait-elle le nombre de filles de ces quartiers qui sont
exclues de l’enseignement pour le simple fait qu’elles portent un foulard ?
Sait-elle aussi le nombre de propos vomis quotidiennement
sur ces jeunes filles par leurs enseignants, prétendant à longueur de cours
être payés pour leur « dévoiler le cerveau »?
Sait-elle le nombre de jeunes filles qui, après avoir fait
leurs études, seront renvoyées à leur cuisine malgré tous leurs efforts pour
intégrer le marché de l’emploi ?
Sait-elle seulement le potentiel véritablement féministe
qu'ont ces femmes et qui reste gâché, pour le plus grand plaisir de notre
société machiste ?
Nous doutons qu'elle puisse répondre à ces questions-là. Et
bien, si ça l'intéresse vraiment, nous l'invitons à nous rencontrer. Nous lui expliquerons tout cela en détail...
Et pour ce qui est de vous, Mesdames et Messieurs les élus
(du Peuple), il ne faut pas que vous brisiez un si
bel élan, que vous entraviez votre nouvelle vocation au féminisme,
provoquée par ce salutaire et enrichissant documentaire.
Ainsi, nous nous proposons de vous aider à cette tâche,
pleine de noblesse, par ce modeste inventaire, et nous ne doutons pas de la
célérité et du sérieux de leur réalisation. Il s'agira donc de :
- revenir sur toutes les mesures d’austérité dont pâtiront
les femmes, et celles des quartiers populaires en premier ;
- condamner toutes les discriminations faites aux filles et
aux femmes que ce soit dans les rues populaires de Bruxelles ou les
institutions bruxelloises, que ce soit dans les faubourgs où séjournent les
fonctionnaires européens ou dans les administrations ;
- en finir avec l'exclusion et la discrimination scolaire qui touche les jeunes filles qui ont fait un choix vestimentaire « qui
déplaît », cette discrimination paralyse leur rêve d’émancipation ;
- combattre le sexisme dans le traitement des travailleuses
sur le marché de l’emploi et détruire définitivement mur et plafond de verre qui condamnent leur
évolution professionnelle;
- faire baisser les chiffres astronomiques du chômage des
femmes de manière générale et plus particulièrement ceux qui concernent les
femmes des quartiers populaires de Bruxelles ;
Bref, en
guise de conclusion, il s'agira, Mesdames et Messieurs les élus du Peuple, de
revaloriser véritablement le statut des femmes et de cesser d'instrumentaliser
le féminisme, afin de dominer et de discréditer encore un peu plus les personnes qui se situent tout
en bas de l'échelle sociale !
En attendant,
veuillez recevoir, Mesdames, Mesdemoiselles* et Messieurs les élu-e-s,
l’expression de notre plus grande détermination.
Hanane El Khattouti,
quartier des Etangs Noirs,
Khadija Hajja, quartier Annessens,
Dalila El Hattachi, quartier de la Cage aux ours,
Chaima El Kharraz, quartier Chicago,
Hajar Moumni, quartier Lemonnier,
Hannae Ben Azzous, quartier Ribaucourt,
Hafsa Rian, quartier des Marolles,
Soumeya Jhabli, quartier Comte de Flandre,
Chadia Samadi, quartier Aumale,
Imène Mahmoud, Meise,
Charlotte Lesdesma, quartier Simonis,
Wassima El Ouardi, quartier Karreveld,
Loubna Draoussa, Kraainem centrum,
Chaima Ouahmed, quartier Bockstael,
Jihad Barkoui, quartier Shweitzer,
Khadija Hajja, quartier Annessens,
Dalila El Hattachi, quartier de la Cage aux ours,
Chaima El Kharraz, quartier Chicago,
Hajar Moumni, quartier Lemonnier,
Hannae Ben Azzous, quartier Ribaucourt,
Hafsa Rian, quartier des Marolles,
Soumeya Jhabli, quartier Comte de Flandre,
Chadia Samadi, quartier Aumale,
Imène Mahmoud, Meise,
Charlotte Lesdesma, quartier Simonis,
Wassima El Ouardi, quartier Karreveld,
Loubna Draoussa, Kraainem centrum,
Chaima Ouahmed, quartier Bockstael,
Jihad Barkoui, quartier Shweitzer,
du
Mouvement pour les Droits Fondamentaux.
*L'appellation "mademoiselle", très courante en
francophonie, fait partie de ces expressions du sexisme ordinaire puisque son
équivalent masculin n’existe pas. Le sexisme concerne tous les comportements ou
paroles qui viennent minorer, inférioriser les femmes, uniquement parce
qu'elles sont des femmes. Elles constituent une violence symbolique à leur
égard et nourrissent le terreau de toutes les formes de violences.